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Bill Russell, du mépris à la légende

vendredi 13 novembre 2009, par Vianney Pannet

Bill Russell n’est pas un joueur de basket comme les autres. Aujourd’hui âgé de 75 ans, il a révolutionné le basketball comme personne ne l’a fait avant lui et comme personne ne l’a fait depuis, et pas seulement dans le jeu.

Au cœur de la ségrégation

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Bill Russell

Lorsqu’il voit le jour, en février 1934, ses parents habitent la Louisiane. On est au plus fort de la ségrégation raciale dans cet état historiquement marqué par l’esclavagisme. Menacés, humiliés, tant par les autorités que par les quidams ; l’image qu’a eue Russell de ses parents en grandissant restera profondément ancrée dans sa mémoire. Ce climat force même la famille à déménager dans la baie de San Francisco. Dans les quartiers pauvres d’Oakland où le jeune homme découvre le basket. Malgré ses talents indéniables, une seule université - celle de San Francisco - lui propose une bourse d’étude sur critères sportifs.

Une fois le Golden Gate traversé, son talent éclate. Il remporte deux championnats NCAA en 1955 et 1956. A la fin de son cursus, un coach, visionnaire et précurseur - celui qui sera nommé près de cinquante ans plus tard « meilleur coach de l’histoire » - Red Auerbach, prend le pari de drafter ce joueur de couleur. Un risque énorme, surtout chez les Celtics de Boston, franchise très conservatrice. Pari qui semble perdu d’avance puisque la majorité des fans des Verts tournent le dos à leur équipe favorite. Sûrement l’acte de trop pour Russell, qui saura s’en souvenir le moment venu.

Le pivot de 2m08 pose donc ses valises du côté du Massachusetts en 1956. Appelé à défendre les couleurs de l’Oncle Sam à Melbourne la même année, il y remportera l’or. Il ne jouera par conséquent son premier match dans la ligue professionnelle qu’au mois de décembre. Qu’à cela ne tienne, la valeur du joueur n’est pas remise en cause ; et grâce à lui et au génial Bob Cousy - l’inventeur de la « no look pass » - Auerbach mène les Celtics à leur premier titre à la fin de la saison, en mai 1957.

Un véritable faiseur de records

Les douze années qui vont suivre ne contribueront qu’à le faire entrer de plus en plus loin dans la légende. 11 titres en tant que joueur, 13 au total, puisqu’il est en plus chargé de coacher l’équipe - son équipe - en 1968 et 1969. 5 titres de MVP - comprenez meilleur joueur -, plus de 20 rebonds attrapés par match au cours de sa carrière, mais une reconnaissance encore et toujours teintée de mépris. Comment imaginer que le meilleur joueur au monde n’apparaisse pas dans le cinq type de la ligue ? Ne cherchez pas, la NBA l’a fait. Une insulte supplémentaire qui va accroitre la rage de vaincre du mythique numéro 6.

Mythiques, c’est également le seul qualificatif envisageable pour qualifier les duels homériques auxquels ils se sont livrés, lui et Wilt Chamberlain, l’homme qui marquera 100 points en une seule rencontre, l’homme qui captera 55 rebonds en une rencontre, l’homme qui réussira l’exploit, difficilement envisageable, de marquer 50 points de moyenne par match sur toute une saison... Mais Russell a « ce quelque chose d’autre » : LE talent pour la défense. Considérée comme négligeable avant lui, il l’élève au rang de religion. Cet homme est une vraie muraille, tant physique que psychologique ; au point même que pour diminuer l’impact qu’il peut avoir dans ce compartiment du jeu, il est désormais interdit aux joueurs de toucher le ballon dans sa phase descendante lors des shoots.

Puis, usé par les incessantes moqueries, il décide de tout lâcher du jour au lendemain. En 1969. Au sommet de la gloire. Même Red Auerbach, son mentor, ne le fera pas changer d’avis. Le mal est profond ; l’homme est blessé au point de ne pas participer à la cérémonie organisée en son hommage lorsque l’on accroche son maillot en haut du Boston Garden en 1972. Il n’est pas plus présent à son intronisation au Hall of Fame en 1975.

Fort heureusement, les choses ont grandement évolué depuis, et Bill Russell assiste de nouveau aux matches de la franchise dont il a écrit la légende. Lunettes au bas du nez, barbe et cheveux blancs, il supervise les performances de celui dont il a été l’idole, Kevin Garnett, seul joueur de la ligue digne d’être comparé à ce monstre sacré du basket mondial.