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Arvydas SABONIS, un pivot de dimensions planétaires...

vendredi 29 avril 2005, par Dr Naoun

Ce nom doit vous rappeler quelque chose, non ? Allez, un petit effort ! Non, rien de rien ? Vous êtes éloigné des choses du basket et surtout, vous n’êtes pas... Lituanien ! Dans ce pays, Sabonis alias Sabas, est une véritable icône, plus célèbre que Michael Jordan aux USA : si vous
entrez dans une brasserie et que vous demandez un Sabonis, on vous sert une chope d’un litre ! Le Président de la République de ce pays en personne, à la suite de l’échec de son Ministre des Sports, l’a convié à dîner pour le persuader de participer aux derniers JO d’Athènes avec
son équipe nationale, après avoir fait en vain la même tentative lors de l’Eurobasket 2003 !

Médecin fédéral mobilisé en 1983 à Nancy pour la rencontre amicale France-URSS, j’ai eu la chance de côtoyer cet immense joueur alors âgé de 18 ans et déjà titulaire dans une équipe qui ne comptait pas moins de 5 joueurs de plus de 212 cm (Tkatchenko ; Tarakanov ; Lovaisha ; Belostenny ; Sabonis) et qui venait de remporter le championnat du monde 1982 : 214 cm, une stature d’haltérophile, un calme olympien, un sens du placement stupéfiant, une technique étonnante pour un joueur de cette taille : il devait marquer l’Eurobasket en inscrivant 26 points en demi-finale de l’Euro à Nantes contre l’Espagne et en réalisant plusieurs contres. Son entraîneur de l’époque, Alexander Gomelsky, le considérait comme son fils et ne parlait de lui qu’avec des trémolos dans la voix et des larmes dans les yeux...

Arvydas, après avoir écumé les planchers des salles de basket de Lituanie avec son équipe de Kaunas Zalgiris, fera route vers l’Espagne (Valladolid puis Real Madrid) avant d’arriver enfin à Portland où les Trail Blazers l’attendaient depuis plus de dix ans ! Malheureusement, sa carrière fut, comme on le verra, parsemée de graves blessures qui affectèrent son rayonnement sinon il aurait été sans conteste le meilleur pivot de basket de tous les temps. Vlade Divac disait de lui : « si Sabonis n’avait pas été blessé, les Ewing, Chamberlain, Abdul-Jabbar, Malone, Robinson et autres O’Neal ne lui seraient pas arrivés à la cheville »

Un peu d’histoire et de géographie...

La Lituanie est un des trois pays qui bordent la mer Baltique : l’Estonie (Eesti : capitale Tallin), la Lettonie (Latvia : capitale Riga) et la Lituanie (Lietuva : capitale Vilnius). Ils se trouvent au nord de la Pologne, bordés à l’ouest par la Baltique, à l’est, par le Belarus et la Russie et au nord par un bras de la Baltique.

Les Baltes se seraient installés dans cette région au II° siècle. Le nom de la Lituanie est connu depuis 1009 et au 14° siècle, le Grand Duché de Lituanie était le plus grand Etat d’Europe. La capitale Vilnius a été créée en 1341. En 1385, la Lituanie s’associe avec la Pologne, l’Ukraine
et le Belarus par le traité de Kreva. La Lituanie devint catholique et le Grand Duc Jogaila roi de Pologne. En 1410, les Polonais coalisés avec les Lituaniens, écrasèrent les Chevaliers Teutoniques à Tannenberg (victoire de Grunvald). En 1569, le traité de Lublin réalise la fusion de la Pologne et de la Lituanie. En 1795, la Lituanie est envahie par les Russes dont elle ne sera libérée que par le traité de Versailles en 1919 qui lui accorde son indépendance. En 1940, Staline décide d’annexer à nouveau la Lituanie qui devra attendre le 11 Mars 1990 pour recouvrer
définitivement sa liberté. Elle adhère à l’Union Européenne. Les pays baltes ont une superficie de 175 000 km² et leur population est voisine de 7,5 millions ( 65 200 km² et 3,8 millions d’habitants pour la Lituanie )

Les Baltes et le basket ...

Le basket est le sport roi dans les pays baltes. La Lettonie a été championne d’Europe en 1937 et la Lituanie en 1939 et en 2003. Cette dernière a été aussi vice-championne d’Europe et troisième aux JO à trois reprises. L’équipe de Kaunas a été championne d’Europe en 2002. Les pays baltes ont fourni à l’URSS ses meilleurs basketteurs : Valters, Belostenny, Lovaicha, Komitchius, Marciulionis, Sabonis, Kurtinaitis... La Lettonie a produit la plus grande basketteuse de tous les temps : Uliana
Semenova, 218 cm et 127 kg : licenciée au Daugawa Riga, elle allait permettre à son équipe et à l’équipe d’URSS de truster les titres européens et mondiaux : Riga gagnera l’Eurobasket féminin 18 fois ! Uliana terminera sa carrière à l’US Valenciennes-Orchies où Mr Leroux, propriétaire des usines de chicorée du même nom, avait cassé sa tirelire pour la faire venir. Les basketteurs lituaniens, les plus nombreux et les plus talentueux ont des noms reconnaissables par leurs terminaisons en as (Ilgauskas, Stombergas, Kharnichovas, Macijauskas, Zukauskas...), en is (Sabonis, Kurtinaitis...) et en ius (Komitchius, Jasikevicius...) Leurs prénoms peuvent nous paraître parfois pittoresques : Arturas, Arvydas, Darius, Zydraunas...

Les basketteurs lituaniens sont présents dans plus de 27 pays : ils sont 105 en Europe et 72 aux USA, essentiellement dans les Universités ; nombre extraordinaire pour un pays de moins de 4 millions d’habitants !
Ils sont appréciés pour leur taille (6% mesurent plus de 210 cm), pour leur technique et pour leur adresse à 3 points. En NBA, Marciulionis (Golden State) et Sabonis (Portland Trail Blazers) ont fait une carrière réussie. A l’heure actuelle, Ilgauskas (Cleveland Cavaliers) et Songaila (Sacramento Kings) tiennent un rôle important
dans leurs équipes. Portland s’apprête à drafter un jeune de Kaunas qui mesure 218 cm. En Europe, les joueurs lituaniens brillent dans de nombreuses équipes : Jasikevicius a mené le jeu du FC Barcelone champion
d’Europe avant de récidiver avec le Maccabi de Tel Aviv : ce joueur a failli être à l’origine de la première défaite de la dream team US aux JO de Sydney en tentant à la dernière seconde un tir à 3 points qui suffisait pour donner la victoire à la Lituanie. Macijauskas fait les
beaux jours du Tau Vitoria. En France, il y a 5 joueurs lituaniens : 2 en Pro A (Adomaitis à Gravelines ; Andriukaitis à Vichy) ; 2 en Pro B et 1 en N1 : Kharnishovas a laissé un excellent souvenir à Cholet avant
d’être recruté par le FC Barcelone.

Le basket lituanien, spectaculaire, rapide et offensif, s’appuie sur un collectif bien huilé, sur des pivots de grande taille et des extérieurs très adroits à deux points et surtout à trois points.

La carrière et le jeu d’Arvydas Sabonis...

La carrière de Sabonis peut être divisée en trois parties :

* la période soviéto-lituanienne (1980 -1989) partagée entre le Zalgiris Kaunas qui l’intégrera en équipe première à l’âge de 16 ans et l’équipe nationale d’URSS : il joue placé dans la raquette ou à proximité car on lui demande de lever les bras, de prendre des rebonds, de contrer et de marquer de près. Cette période allait être marquée par
une grave blessure survenue en 1987 : rupture des tendons d’Achille.
L’admirable club des Portland Trail Blazers, dont le propriétaire n’est autre que Paul Allen, co-fondateur avec Bill Gates de Microsoft, qui s’intéressait à lui depuis quelques années mais qui ne l’avait pas encore drafté, allait l’accueillir aux Etats-Unis tous frais payés et le faire soigner par les meilleurs chirurgiens. Il le draftera en 1986 alors que les Hawks d’Atlanta avaient déjà pris une
option sur lui en 1985. Sabonis rejoindra Portland en 1995 et y restera jusqu’en 2003, sans jamais répondre aux nombreuses sollicitations dont il était l’objet : bel exemple de gratitude envers cette équipe à qui
Arvydas, devenu à son tour propriétaire de son club d’origine de Kaunas, s’apprête de surcroît à offrir son meilleur pivot de 218 cm !

* la période espagnole qui va durer de 1989 à 1995 ; d’abord au Forum de Valladolid puis au Real de Madrid. Dominant de la tête et des épaules avec ses 220 cm et ses 132 kg dans un basket qui brille plus par sa vivacité, sa rapidité et ses triplés que par la taille de ses pivots, il va s’amuser comme un petit fou ! rebonds, contres, passes
dans le dos, passes aveugles, tirs à trois points : il sera meilleur rebondeur du championnat et deuxième à deux reprises avec plus de 10 rebonds par rencontre : il marquera plus de 20 points par match, fera plus de 3 contres par match et délivrera une kyrielle de passes
décisives, tenant le ballon dans une main comme une balle de tennis et relançant les contre-attaques à la façon d’un quater-back de foot américain. Son entraîneur au Real disait : avec Sabonis, je peux dormir sur mes deux oreilles et je lui fais une confiance absolue ! Il offrira au Real 3 titres de champion d’Espagne et un titre de champion d’Europe.
Le seul joueur qui l’ait un peu surpris fut le Roumain Muresan (230 cm !), alors à Pau-Orthez, qu’il trouva sur sa route à l’occasion de l’Euroligue : c’est la première fois que je joue contre un adversaire plus grand que moi dira Sabonis, comme pour s’excuser...

* la période américaine ...

Sabonis arrivera à Portland à l’âge de 31 ans, émoussé par 15 ans de basket et surtout handicapé par ses blessures aux tendons d’Achille qui l’obligent à traîner les pieds au lieu de courir et à éviter toute détente : heureusement, sa grande taille le dispense de sauter... Très souvent, pour permettre à ses coéquipiers de contre-attaquer rapidement,
il fait les remises en jeu ce qui lui a valu d’être raillé au cinéma à l’occasion du film Eddie 1996 dans lequel Woopi Goldberg jouera le rôle de coach des Knicks de New York ; film à l’eau de rose qui ne laissera
guère de traces dans les annales du 7° art ! D’autres blessures suivront à un genou puis à une cheville : Arvydas jouera avec des chaussures orthopédiques !

Malgré toutes ces vicissitudes, il rendra de grands services à son club qu’il conduira plusieurs fois en play-off, inscrivant environ 15 points par match en moins de 24 min de jeu, prenant en moyenne 8 rebonds par rencontre, réalisant 2 contres et délivrant près de 3 passes décisives.
Il lui arrivera de marquer 33 points, de prendre 20 rebonds et de faire 6 contres dans le même match malgré ses blessures et contre des joueurs de renom : un jour, face au grand Charles Barkley alors aux Suns de Phoenix, il bloqua la balle au rebond contre le panneau au grand dam de
sir Charles qui sautait en vain comme un enfant dans une fête foraine pour la récupérer. Furieux et incrédule, Barkley s’en alla en maugréant ! Le seul joueur de NBA qui réussit à le gêner sérieusement à chaque confrontation fut Shaquille O’Neal, plus lourd que lui (142 kg), plus jeune, suffisamment grand, en pleine possession de ses moyens et plus mobile.

En 2003, Sabonis âgé de 39 ans, décide de souffler en quittant la NBA mais il s’oblige à donner un coup de main à son équipe de Kaunas : il joue 18 rencontres d’Euroligue, inscrivant 17 points, gobant 10 rebonds, effectuant 3 contres et distillant près de 3 passes décisives par match
 ! Il est élu meilleur joueur de la saison 2003-2004 en Euroligue. Décidé à faire une enième saison en 2004-2005, il est de nouveau blessé à un genou et il a du déclarer forfait : il n’est pas impossible qu’on le revoie sur les parquets en 2005-2006 : il aura alors 42 ans !!

Le palmarès de Sabonis...

Le palmarès de Sabas est long comme un jour sans pain : champion de Lituanie à plusieurs reprises ; champion d’URSS ; trois fois champion d’Espagne, vainqueur de la coupe d’Espagne ; champion du monde junior, universitaire et senior ; champion d’Europe ; champion olympique ;
meilleur joueur d’Europe en 1993, 1995 et 2004 ; une kyrielle de fois second ou troisième dans les diverses compétitions européennes et mondiales.

En NBA, il participera aux All Stars Games en 1996 et disputera une finale de Conférence Ouest avec les Trail Blazers de Portland.

Tel est le plus talentueux pivot de basket de tous les temps : un géant dans tous les sens du terme : DEKUI LIETUVA ( merci à la Lituanie ) !